Genève a souvent été à la pointe en matière de durabilité, notamment dans ses initiatives visant à réduire les émissions de carbone et à promouvoir les énergies renouvelables. Des projets urbains intégrés sont également mis en œuvre pour améliorer la qualité de vie des habitants tout en préservant l’environnement. Sylvain Ferretti, Directeur général de l’Office de l’urbanisme, nous livre son passionnant état des lieux de la planification urbaine et énergétique de la cité de Calvin.
A+W. Pouvez-vous nous donner un aperçu de l’évolution de Genève en termes d’urbanisme et de développement en lien avec la stratégie énergétique au fil des années, et quel rôle joue votre département dans cette évolution ?
Sylvain Ferretti. Au fil des années, pour accompagner sa croissance soutenue, Genève a connu une évolution importante en termes d’urbanisme. Sur le plan énergétique, l’État de Genève a joué un rôle clé dans cette évolution en mettant en place des politiques et des mesures visant à favoriser la transition vers une énergie plus durable et respectueuse de l’environnement.
Dans les années 2000, Genève a lancé le programme « Cité de l’énergie » qui visait à promouvoir l’utilisation rationnelle de l’énergie et les énergies renouvelables. Des actions ont été entreprises pour encourager la rénovation énergétique des bâtiments, la promotion des transports publics et des modes de déplacement doux, ainsi que le déploiement des énergies renouvelables.
En 2013, Genève a adopté un plan directeur cantonal (PDcn) qui fixe les grandes orientations en matière d’urbanisme et de développement à l’horizon 2030. Ce plan met notamment l’accent sur le développement des quartiers durables, la densification des zones urbaines, la préservation des espaces naturels et agricoles ainsi que la promotion des modes de vie respectueux de l’environnement. Il propose dans sa fiche D02 de localiser judicieusement les installations de production et d’approvisionnement énergétique d’importance cantonale et favoriser le recours aux énergies renouvelables et la valorisation des rejets thermiques.
Cette volonté d’un fonctionnement vertueux de l’agglomération genevoise amène les Services Industriels de Genève à distribuer depuis 2017, une électricité 100 % renouvelable. Par contre, le chauffage des bâtiments est encore lié principalement aux énergies fossiles à plus de 90 %.
En 2019, Genève a adopté une loi sur l’énergie qui fixe des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique. L’État de Genève s’engage ainsi à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en développant massivement les énergies renouvelables, en promouvant l’efficacité énergétique et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Adopté en 2021, le plan directeur de l’énergie (PDE) vient fournir un plan d’actions concrètes et concertées visant à atteindre les objectifs de la transition énergétique et du plan climat.
L’État de Genève joue ainsi un rôle central dans cette évolution en tant que régulateur et acteur majeur du territoire. Il met en place des réglementations, des incitations financières et des mesures incitatives pour favoriser la transition énergétique. De plus, il coordonne et soutient les initiatives des communes, des entreprises et des associations pour créer un écosystème propice au développement durable et à l’économie verte. Les SIG investiront dans la transition énergétique du canton de Genève plus de 1,4 milliard d’ici à 2030 afin de produire 80 % d’énergies renouvelables et de récupération pour contribuer à diminuer de 60 % les émissions de CO2 à Genève.
En quoi la durabilité et la gestion des ressources naturelles sont-elles prises en compte dans la planification urbaine de Genève, en particulier en ce qui concerne l’énergie, les déchets et l’eau ?
La durabilité et la gestion des ressources naturelles sont des préoccupations importantes dans la planification urbaine de Genève. L’ambition même des planifications en cours, telle que l’élaboration d’une vision territoriale transfrontalière ou la révision du plan directeur cantonal, est d’inscrire la primauté du vivant et la transition écologique au cœur des réflexions.
Ainsi, la planification urbaine met en place des mesures visant à promouvoir les énergies renouvelables, réduire la consommation d’énergie, favoriser le recyclage et la réutilisation des déchets, préserver la qualité de l’eau. Ces actions sont essentielles pour assurer un fonctionnement plus durable et résilient.
Concernant l’énergie, Genève s’engage à promouvoir les énergies renouvelables et la réduction de la consommation d’énergie. L’État encourage l’installation de panneaux solaires sur les toits des bâtiments, soutient l’utilisation de la géothermie pour le chauffage et développe des initiatives pour la promotion de l’efficacité énergétique dans les constructions neuves et la rénovation des bâtiments existants. Via les Services Industriels de Genève, l’État s’est aussi lancé dans la mise en place d’un réseau structurant de chaleur et de froid, concrétisant ainsi la stratégie énergétique du canton. Ce réseau est totalement coordonné avec le développement de nouveaux quartiers.
Par ailleurs, le Canton vise une gestion des déchets durable en promouvant le recyclage et la réduction des déchets à la source. Le Canton et les communes ont mis en place des programmes de collecte sélective des déchets, y compris le tri des déchets alimentaires, le recyclage du verre, du papier et du plastique. Elle encourage également la réutilisation des objets et soutient les initiatives locales de promotion de l’économie circulaire. La même attention est portée sur les déchets de chantier, notamment via le projet Ecomat qui vise à réemployer une grande partie des matériaux d’excavation.
Ville d’eau avec son lac, son jet d’eau et ses grands cours d’eau comme le Rhône et l’Arve, Genève a depuis longtemps pris des mesures pour assurer une gestion durable de l’eau. Pleinement conscient de la rareté de cette ressource, l’État veille à sa protection, à sa gestion et à son utilisation durable, notamment parce que l’eau est au cœur de la vie et de la biodiversité et parce qu’elle offre de nombreux services aux humains. Pour cela, il planifie les actions à réaliser pour protéger et gérer la qualité de ses rivières et lacs en contrôlant les rejets d’eau usée et en mettant en œuvre des mesures de protection de l’environnement aquatique.
L’efficacité énergétique est un enjeu majeur pour les villes du monde entier. Comment Genève travaille-t-elle à réduire sa consommation d’énergie et à promouvoir les énergies renouvelables dans ses projets urbains ?
Pour réduire sa consommation d’énergie et promouvoir les énergies renouvelables, Genève met en œuvre plusieurs mesures dans ses projets urbains.
Tout d’abord, Genève encourage la rénovation énergétique des bâtiments existants. Ces rénovations visent à améliorer l’isolation thermique, installer des systèmes de chauffage plus efficaces et utiliser des sources d’énergie renouvelable. La réglementation fixe des seuils d’efficacité énergétique en dessous desquels une rénovation énergétique doit être entreprise. Des incitations financières sont offertes aux propriétaires pour les encourager à réaliser ces travaux. Dans le même temps, l’État s’est doté d’un ambitieux programme de rénovation des bâtiments publics doté de plus d’un milliard de budgets. L’objectif est de multiplier par 3 le taux de rénovation du parc bâti d’ici 2030. Une optimisation des installations et une plus grande sobriété doivent permettre de diminuer de près de 30 % la consommation énergétique.
En ce qui concerne la construction de nouveaux bâtiments, Genève impose des normes strictes en matière d’efficacité énergétique. Les nouvelles constructions doivent respecter des critères élevés en termes d’isolation, de ventilation et de consommation d’énergie. À l’échelle des quartiers, leur planification intègre systématique un concept énergétique qui anticipe les solutions d’un quartier durable.
De plus, Genève investit dans la production d’énergie verte et ambitionne de tripler la part des énergies renouvelables d’ici 2050. Moins consommer et mieux consommer et sortir du fossile en valorisant les ressources locales disponibles : solaire, eau du lac, géothermie, biomasse, rejets thermiques ou encore potentiel éolien. De plus, 250 km de réseaux thermiques souterrains seront réalisés d’ici 2030.
Enfin, Genève encourage la mobilité durable. La ville développe un réseau de transports en commun efficace, RER, tramway, bus, qui sera entièrement électrique à l’horizon 2030 et vise à offrir une bonne accessibilité à vélo en construisant des pistes cyclables (axes forts, voies vertes…). De plus, Genève incite à l’utilisation de véhicules électriques en installant des bornes de recharge et en proposant des incitations financières.
En combinant ces différentes mesures, Genève cherche à réduire sa consommation d’énergie et sa dépendance aux énergies fossiles, tout en favorisant le développement des énergies renouvelables. Ces actions contribuent à préserver l’environnement et à assurer une ville durable à long terme conformément au plan climat.
Quel rapport urbanistique la ville de Genève entretient-elle avec les localités de France voisine ?
Le canton de Genève entretient nécessairement des rapports importants avec territoires voisins, français et vaudois. En raison de sa situation géographique au cœur d’un bassin versant entre Jura, Salève, Vuache et Voirons, le territoire partage une même destinée qui s’est vue fragmentée par les frontières nationales et cantonales. Ce territoire possède la particularité d’être fondé à la fois sur une cohérence topographique, la cuvette genevoise, mais également sur un bassin de vie et un projet politique : le Grand Genève.
Ce rapport d’interconnexion est marqué par une forte collaboration entre les autorités genevoises et françaises. Des projets d’aménagement, de planification urbaine, d’infrastructure et d’environnement sont régulièrement menés conjointement dans le but de favoriser une cohérence et une complémentarité entre les deux côtés de la frontière. D’autres domaines comme la santé et la culture font également l’objet de coordination régionale.
De nouveaux quartiers résidentiels prennent par exemple en compte la mobilité transfrontalière et la mise en place d’infrastructures de transports communes. Des lignes de tramway, de bus et des pistes cyclables ont été développées ensemble afin de faciliter les déplacements transfrontaliers et réduire les problèmes de congestion routière.
De plus, Genève et les localités françaises voisines collaborent également dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, tels que l’eau et l’énergie. Des projets de traitement des eaux usées, d’énergies renouvelables et de préservation de la biodiversité sont souvent réalisés conjointement pour assurer une gestion durable de l’environnement commun.
En ce moment, une large étude d’aménagement du territoire portée à l’échelle du Grand Genève est en cours (vision territoriale transfrontalière) et vise à poser les principes directeurs du développement des 25 prochaines années, notamment pour prendre en compte les enjeux de la transition écologique et du plan climat.
Ce rapport urbanistique entre Genève et les acteurs de France voisine est donc caractérisé par une étroite collaboration et une volonté de promouvoir un développement cohérent et durable de la région transfrontalière.
En ce qui concerne la mobilité, comment Genève favorise-t-elle les transports durables et l’utilisation des modes de déplacement alternatifs pour réduire l’impact environnemental de la ville ?
Genève s’est doté d’un plan climat ambitieux qui comporte une stratégie pour aller vers une mobilité plus décarbonée et durable afin de réduire l’impact environnemental des déplacements. Ceci implique des changements de comportements, avec comme priorité la réduction des kilomètres parcourus en transports individuels motorisés, un report modal vers les modes doux et les transports publics, mais aussi le développement de véhicules moins émissifs. Il faut aussi noter que l’objectif de neutralité carbone ne pourra être atteint sans une diminution importante des émissions de gaz à effet de serre liées au trafic aérien.
Il s’agit, tout d’abord, de renforcer le transfert modal vers les transports en commun. Genève dispose d’un réseau de transports publics étendu et efficace qui évolue et se renforce constamment. Ce réseau comprend un RER, des tramways, des bus, voire des bateaux, ce qui permet aux habitants de se déplacer facilement dans toute la ville et ses environs. Une gestion du stationnement différenciée selon les secteurs de l’agglomération permet de soutenir le report modal de la voiture individuelle vers d’autres modes de transport plus durables. Dans cet esprit, des parkings relais (P+R) sont répartis dans le territoire sur les principaux axes routiers et bien connectés aux infrastructures de transport public pour limiter le trafic au cœur de l’agglomération.
Genève encourage également les mobilités actives, d’une part en facilitant l’utilisation du vélo via la mise en place d’un réseau de pistes cyclables et de voies vertes sécurisées et attractives, et d’autre part favorisant les déplacements à pied en travaillant sur la qualité des espaces publics.
La pratique du covoiturage est activement soutenue d’une part en accompagnant les entreprises dans l’élaboration de plan de mobilité et en mettant en place des plateformes de mise en relation entre conducteurs et passagers et d’autre part en ayant conduit un projet pilote de passage de frontière facilité pour les voitures ayant plusieurs occupants.
Par ailleurs, Genève soutient l’utilisation des véhicules électriques d’une part en installant des bornes de recharge dans différents quartiers de la ville et d’autre part en octroyant des mesures financières incitatives. Les propriétaires de véhicules électriques peuvent ainsi bénéficier d’infrastructures adaptées et sont incités à choisir cette option plus respectueuse de l’environnement.
Parmi les autres leviers, le Canton soutient la mise en œuvre des services de mobilité (Smart Mobility) et travaille à une tarification de la mobilité basée notamment sur son impact environnemental.
La réduction des émissions du transport des marchandises fait aussi partie des actions engagées par le canton, notamment à travers le Plan d’Action Marchandises et Logistique Urbaine 2019-2023 (PAM), adopté par le Conseil d’État le 20 avril 2020.
Ces différentes mesures visent à offrir aux habitants de Genève des alternatives de déplacement durables et efficaces, réduisant ainsi la dépendance à la voiture individuelle et diminuant les émissions de CO2 et autres polluants liés aux transports.
Le concept de Smart City est-il intégré dans la vision de l’urbanisme à Genève, et quels avantages cela apporte-t-il en matière de durabilité et d’efficacité énergétique ?
Le concept de Smart City est effectivement intégré dans la vision de l’urbanisme à Genève. La ville s’efforce de développer des solutions intelligentes et durables pour améliorer la qualité de vie des habitants et réduire l’impact environnemental de ses activités.
L’un des avantages de la smart City à Genève en matière de durabilité est la promotion de la mobilité durable. La ville encourage l’utilisation des transports publics, du vélo et de la marche, tout en offrant des infrastructures et des services de qualité pour faciliter ces modes de déplacement. Des systèmes de vélos en libre-service et des applications pour la planification des itinéraires sont également disponibles. Cela réduit la dépendance aux voitures et contribue à la réduction des émissions de carbone.
En ce qui concerne l’efficacité énergétique, la smart City de Genève met l’accent sur la gestion intelligente de l’énergie dans les bâtiments. Des solutions technologiques sont mises en place pour surveiller et optimiser la consommation d’énergie, comme des systèmes de régulation thermique et des capteurs pour ajuster l’éclairage en fonction des besoins. De plus, des réseaux intelligents sont développés pour faciliter la production et la distribution d’énergie renouvelable, telle que l’énergie solaire.
L’utilisation de technologies intelligentes et connectées permet également d’améliorer la gestion des déchets, la qualité de l’air et la planification urbaine. Des capteurs et des systèmes de surveillance sont déployés pour mesurer différents paramètres environnementaux et aider à la prise de décision en temps réel.
Pouvez-vous nous parler des défis particuliers que Genève rencontre en matière de développement urbain durable, et des solutions que vous envisagez pour les surmonter ?Genève est confrontée à plusieurs défis en matière de développement urbain durable.
Tout d’abord, en raison de sa taille limitée, la pression sur les ressources et l’espace disponible est très élevée. La densité de population est importante et il est donc essentiel de trouver des moyens de développer la ville de manière à optimiser l’utilisation de l’espace disponible. Cela conforte aussi le besoin de travailler ces questions de développement à l’échelle du Grand Genève.
Parmi les outils d’aménagement, le plan directeur cantonal (PDcn) a un rôle central puisqu’il a pour but de coordonner les activités qui ont des effets sur l’organisation du territoire. Il définit le développement territorial souhaité et détermine les mesures d’aménagement nécessaires en matière d’urbanisation, de mobilité, de gestion de l’espace rural et des milieux naturels et de gestion des ressources en vue d’offrir une qualité de vie agréable à la population locale.
La préservation de l’environnement, du paysage, et la bonne gestion des ressources naturelles représentent ainsi un défi important. Genève est connue pour sa beauté naturelle, sa rade s’ouvrant sur le lac Léman, encadrée par les montagnes en toile de fond. La campagne genevoise dans ses composantes agricoles et naturelles est mise sous pression par la croissance urbaine. Il est donc important de veiller à ce que le développement urbain ne compromette pas cet environnement précieux.
Le transport est également un défi majeur à Genève. En partie en raison des déplacements domicile-travail des personnes n’habitant pas à Genève, mais y travaillant, le canton est confronté à des problèmes de congestion routière, de pollution de l’air et de bruit. Il est donc important de promouvoir des solutions de transport durable, telles que des transports publics efficaces et les mobilités douces afin de réduire la dépendance à l’égard des voitures et de réduire l’impact environnemental lié au transport.
À cet effet, Genève a déjà mis en place plusieurs initiatives, notamment en développant fortement les transports publics via un réseau de RER, de tramways et de bus efficace. L’ensemble des véhicules seront électrifiés à l’horizon 2030. Le canton encourage également l’utilisation des vélos et des transports actifs en mettant en place des infrastructures adaptées, telles que des pistes cyclables et des voies vertes. Le prochain défi consistera à offrir des conditions améliorées pour les piétons.
Pour préserver l’environnement, Genève a développé des politiques de protection des zones naturelles et de l’eau afin de préserver la qualité du lac Léman (stratégies et plan d’action). Elle a également développé des programmes de sensibilisation et d’éducation pour promouvoir un mode de vie durable auprès des résidents.
Enfin, Genève encourage également la construction de bâtiments durables en promouvant l’utilisation de matériaux écologiques, le réemploi et l’efficacité énergétique. Elle met également en place des réglementations pour garantir l’atteinte de standards environnementaux ambitieux dans le cadre des nouveaux projets de construction.