IDA ICE, un logiciel qui vient du froid pour modéliser la chaleur

Samir Mahroua, Ingénieur en efficacité énergétique et développement durable, nous parle d’IDA ICE, le très efficace logiciel de simulation dynamique exploité par le département Consulting d’Amstein+Walthert.

Samir Mahroua©pedroneto

Quand ce logiciel a-t-il été créé et de quelle technologie est-il le fruit?
Le logiciel IDA ICE a été développé au milieu des années 80 par le Swedish Institute of Applied Mathematics. Il se base sur un langage de programmation permettant la résolution de problèmes complexes. À l’origine développé pour des applications de recherche, il est commercialisé depuis 1998 pour la simulation des performances énergétiques du bâtiment.

Pouvez-vous expliquer les fonctionnalités de ce logiciel (fonctionnement et missions) ?
Ce logiciel permet de réaliser une simulation dite dynamique, c’est-à-dire en prenant en compte les variations dans le temps (ensoleillement, régulation, occupation et utilisation des équipements...). On peut donc réaliser des calculs à une échelle de temps très faible (en heures par exemple), en vue de visualiser précisément l’évolution de grandeurs, et d’avoir les meilleures optimisations possibles en termes d’énergétique du bâtiment (choix des installations et des parois, régulation). C’est en soit une méthode efficace de conception et d’optimisation, mais aussi un outil d’aide à la décision.

Quelles sont les innovations apportées par ce logiciel et sa valeur ajoutée ?
Les calculs thermiques règlementaires fournissent une image thermique du bâtiment dans des conditions standardisées, dont les paramètres ne sont pas forcément proches de la réalité. Bien que ces calculs soient nécessaires afin de pouvoir comparer les bâtiments entre eux, ils n’offrent pas la possibilité d’optimiser efficacement un bâtiment, ni même de calculer les besoins réels.
Or, la réduction de la consommation énergétique et l’amélioration du confort thermique se font par une conception optimisée et une prévision du comportement du bâtiment. Certains phénomènes dynamiques doivent être pris en compte dans une telle évaluation. Avec IDA ICE, nous pouvons renseigner tous les paramètres d’utilisation d’un bâtiment et avoir les données réelles du bâtiment : température à chaque heure, consommations énergétiques, régulation, apports internes, déperditions...
L’utilisation d’un tel outil se justifie d’autant plus que les normes SIA reconnaissent uniquement les méthodes de simulation dynamique pour calculer la surchauffe estivale et fournir la preuve du besoin de froid pour l’installation d’appareils de climatisation. C’est également la seule méthode de simulation autorisée pour déroger à la pose de protections solaires.

Quel est votre rôle et quelles sont vos compétences en tant que référent sur ce logiciel ?
Au sein du département Consulting d’Amstein+Walthert Genève, je développe les prestations en simulation dynamique, afin de fournir des études sur-mesure et approfondies, pour satisfaire les exigences de nos clients (confort thermique, besoins et puissance de froid, optimisation de la régulation et validation des installations techniques, éclairage naturel).
En interne, je réalise la veille technologique sur les outils de simulation et l’interopérabilité avec les outils de Building Information Modelling (BIM). Je m’occupe également du développement des compétences internes, en appuyant nos collaborateurs sur les projets complexes, en transmettant mes connaissances et en proposant des supports de formation et d’utilisation.

Quel a été le savoir-faire développé par Amstein + Walthert avec l’arrivée de ce logiciel ?
L’utilisation des logiciels de simulation dynamique demande une compréhension poussée des phénomènes physiques du bâtiment, mais également des compétences informatiques. Avec la longue expérience d’Amstein+Walthert sur ces outils, nous avons pu développer de solides compétences dans ces domaines, pour relever les défis techniques complexes que nous imposent les projets d’aujourd’hui.

Quel est l’impact de ce logiciel sur l’évolution de vos process ?
L’utilisation d’un tel outil de simulation nous permet aujourd’hui de valider des solutions techniques en dimensionnant au plus près des besoins de nos clients. Nous l’utilisons ainsi lorsque des projets complexes demandent des simulations détaillées. C’est également devenu l’outil de référence pour calculer la surchauffe estivale. De plus, sa compatibilité avec les outils BIM accélère le processus de modélisation.

De quelles améliorations et de quelles plus-values vos clients vont-ils bénéficier grâce à ce logiciel ?
Grâce à l’utilisation de ce logiciel, nous pouvons réaliser des études plus approfondies et donc plus précises. Nous fournissons ainsi des solutions fiables et de qualité, car étudiées en détail.

En plus d’offrir un gain de temps considérable sur les processus de calculs, un dimensionnement précis permet d’éviter le surdimensionnement d’installations techniques et d’avoir une réelle optimisation de la régulation, se traduisant par une réduction des coûts d’investissement mais également d’exploitation.

L’utilisation de ce logiciel a-t-elle un impact sur le développement durable dans la construction ?
En évaluant de manière détaillée les bâtiments, nous pouvons mettre en avant les sources d’optimisation, qu’elles soient au niveau architectural ou technique. C’est un outil parfaitement adapté pour la réduction des consommations énergétiques.
Outre l’aspect énergétique, IDA ICE nous offre la possibilité de modéliser l’éclairage naturel dans un bâtiment, mais également le niveau de CO2.

Pouvez-vous nous donner des exemples de projets qui ont nécessité l’utilisation de ce logiciel et nous expliquer les bénéfices apportés ?
De manière générale, cet outil est utilisé pour calculer la surchauffe estivale, lorsque les critères classiques de vérification du confort thermique ne sont pas respectés.
Mais c’est sans doute par la modélisation et la validation des installations techniques qu’IDA ICE apporte une réelle plus-value technico-économique. Ainsi, nous l’avons utilisé dans des projets ou le rafraichissement actif n’est pas possible, en testant des solutions de rafraichissement passives, telles que la ventilation naturelle (free-cooling) ou le refroidissement adiabatique. Nous avons travaillé sur une papèterie où le contrôle de l’humidité était nécessaire, en réalisant une simulation hygrothermique. Dans les processus de certification environnementale (LEED, BREEAM, Minergie-ECO), le calcul de l’éclairage naturel est nécessaire et peut se réaliser avec IDA ICE.

Quel avenir imaginez-vous pour ce logiciel ? Quelles sont les évolutions à venir et les enjeux liés à son utilisation dans le domaine de la construction?
Généralement utilisé pour vérifier et valider des solutions techniques et architecturales, IDA ICE est un véritable outil d’accompagnement pour la conception des projets, en offrant une vision globale des performances réelles du bâtiment (consommations énergétiques, puissances, températures, éclairage naturel).

Cet outil trouvera aussi sa place dans les calculs d’optimisation en phase 6 de la norme SIA (suivi en exploitation), en modélisant le bâtiment tel que construit et régulé. Une telle étude peut par exemple s’appuyer sur un protocole IPMVP (protocole de mesure et de vérification), pour trouver l’origine des surconsommations et améliorer la régulation.
À l’avenir, nous l’utiliserons pour des calculs d’optimisation automatisés (choix de la meilleure solution pour viser un objectif économique, énergétique ou environnemental), mais aussi pour des calculs simplifiés de simulation numérique des fluides (CFD), en vue de visualiser les mouvements des flux d’air dans une pièce.

Références A+W de calculs réalisés avec IDA ICE :

  • Eco-quartier Eikenott à Gland
  • Bluefactory à Fribourg
  • Tunnel du CEVA
  • Bâtiments de l’UICN à Gland
  • Bâtiments de Vale International SA à St-Prex