Quel événement ! Après 2 ans de travaux et près de 7 ans de projet, la plus grande institution culturelle de Suisse romande et l’un des principaux théâtres lyriques en Europe a rouvert ses portes le 12 février 2019, avec au programme les quatre volets du « Ring des Nibelungen » de Richard Wagner et ses 16 heures de musique. Construit en 1879, l’édifice méritait une meilleure organisation des espaces et de la gestion du confort exigé par le public, mais également des besoins du milieu artistique d’aujourd’hui. Amstein+Walthert est l’un des acteurs de cette captivante restauration, faisant intervenir une grande somme de compétences. Yannick Barthet, chef du projet et responsable d’équipe, nous livre son expérience.
A+W. Quelle était la mission d’A+W Genève ?
Yannick Barthet. Nous avons remporté l’appel d’offres « CVC » dans le cadre du concours portant sur la rénovation du Grand Théâtre. C’est un dossier dont les prémisses remontent à l’année 2012, où nous avions élaboré une étude préliminaire pour répondre aux enjeux du projet. Notre mission finale a dépassé l’étude, avec la responsabilité du remplacement des dispositifs techniques de chauffage, ventilation, rafraîchissement, ainsi que la régulation de ces installations. Au départ, la salle de spectacle était principalement concernée ; puis, au fur et à mesure de l’avancement du projet, la découverte de certains points de faiblesse a conduit à l’élargissement des travaux de rénovation.
Comment intervient-on sur un tel bâtiment ?
Bien que nous ayons effectué de nombreux relevés et sondages dès 2012, ce type de rénovation patrimoniale réserve toujours des surprises, que ce soit dans l’état de l’infrastructure, l’équipement et surtout la réalité des volumes disponibles pour les nouvelles installations.
Dans ce dossier, il faut savoir que la partie historique de l’édifice — survivante de l’incendie de 1951 — a été officiellement classée au patrimoine au cours de l’étude de rénovation, ce qui a engendré la révision des scénarios énergétiques. Ne pouvant plus intervenir sur l’enveloppe thermique et particulièrement sur les fenêtres et vitrages de l’architecture de façade, le système de chauffage à haute température (eau de chauffage à 60 °C) a dû être maintenu, pour garantir un confort optimal, notamment en période hivernale.
En revanche, les zones non classées, qui constituent la plus grande partie de l’édifice, ont pu être équipées de systèmes de chauffage au sol, plus efficients, plus homogènes et mieux contrôlés.
Le bilan énergétique était-il le seul objet de la rénovation des installations CVC ?
Il s’agit d’un ensemble de priorités liées à la consommation d’énergie et au confort des différents types d’usagers du lieu.
Pour les artistes, les salles de répétitions et la scène requièrent une qualité de l’air propice à la performance lyrique — par le taux d’hygrométrie notamment —, qui doit rester autour des 45/55 % d’humidité.
Pour le public, c’est l’inverse : on a plutôt tendance à réduire la masse d’humidité apportée naturellement par l’être humain et la densité des personnes.
Dans ce genre d’objet, la principale source de traitement du confort est l’air : on le chauffe, on le refroidit, on l’humidifie, le déshumidifie... pour garantir le confort dans la salle. En revanche, une des contraintes de l’air est qu’il est propice à véhiculer des bruits parasites qui peuvent à leur tour poser des problèmes de confort.
Pour cela, nous avons collaboré avec le bureau Kahle Acoustics, un expert spécialisé dans les salles d’opéra et les théâtres, avec qui nous avions précédemment réalisé le projet de rénovation du Victoria Hall.
Tous ces vecteurs ont été minutieusement étudiés pour aboutir à une remarquable stabilité thermique et acoustique.
Comment avez-vous organisé l’intervention d’A+W ?
Nous avons structuré 4 phases :
– L’établissement d’une stratégie énergétique, d’un descriptif technique bien abouti et d’une estimation des coûts destinés aux protagonistes du projet.
– L’établissement d’un cahier des charges pour appel d’offres aux corps de métier. Ce document très poussé permet de détailler chaque installation, chaque pièce du puzzle à assembler et par extension, de consolider le budget global.
– Le projet d’exécution en amont du chantier, constitué d’éléments techniques et méthodologiques précis.
– L’accompagnement de la direction de travaux. À ce stade, il faut souvent faire preuve de créativité et de réactivité, car le démontage des cloisons, des plafonds et des équipements fait surgir des difficultés qui doivent être résolues rapidement.
Que retirez-vous de cette expérience ?
Il est très gratifiant de travailler sur des projets liés au patrimoine. Le Grand Théâtre est l’un des bâtiments les plus emblématiques de la scène culturelle genevoise. Contribuer au confort supplémentaire des spectateurs et offrir un lieu de représentation performant aux artistes est pour moi une immense satisfaction. La technique au service de l’art, on ne saurait rêver plus belle vocation.